Harcèlement sexuel – licenciement avec effet immédiat – faute grave (oui)

Il appartient à l’employeur de choisir celle des sanctions qui lui paraît la plus adéquate pour faire immédiatement cesser ledit comportement, sauf à respecter l’article L.245-4 (2) dernière phrase qui lui interdit de prendre des mesures au détriment de la victime du harcèlement sexuel. Il appartient aux juridictions du travail, pour le cas où l’employeur a décidé de licencier le salarié fautif qui querelle la sanction d’abusive, de rechercher si cette dernière était justifiée et, en l’espèce, si le comportement du salarié constituait un motif grave rendant immédiatement et définitivement impossible le maintien des relations de travail, le juge devant, au regard de l’article L.124-10 (2) deuxième alinéa du Code du travail, tenir compte dans l’appréciation de la faute du degré d’instruction, des antécédents professionnels, de la situation sociale et de tous les éléments pouvant influer sur la responsabilité du salarié et des conséquences du licenciement.

(Cour d’appel 12 novembre 2009, n°34066).

Constitue un acte de harcèlement sexuel la rédaction d’un « script » relatant des actes sexuels entre deux salariés de l’entreprise et le fait d’avoir affiché ce document à la vue de tout le monde près de l’entrée des marchandises. Un tel acte selon la Cour est suffisamment grave pour entraîner le lcienciement avec effet immédiat du salarié.

extrait:

En ce qui concerne la gravité des faits reprochés, il y a lieu de préciser que le but de la loi du 26 mai 2000 concernant la protection contre le harcèlement sexuel à l’occasion des relations de travail et portant modification de différentes autres lois (ci-après « la loi du 26 mai 2000 ») était « de combler le vide législatif en obligeant les employeurs/euses d’instituer un environnement de travail exempt de harcèlement sexuel en prenant des mesures préventives et des sanctions, afin de garantir à leurs salarié-e-s un environnement de travail qui respecte la dignité de tous(toutes. » (Cour d’appel 9 mars 2006, n°28379).
L’article 2 de cette loi, repris par l’article L.245-2 du Code du travail, définit la notion de harcèlement sexuel à l’occasion des relations de travail comme suit : « constitue un harcèlement sexuel à l’occasion des relations de travail au sens du présent chapitre tout comportement à connotation sexuelle ou tout autre comportement fondé sur le sexe dont celui qui s’en rend coupable sait ou devrait savoir qu’il affecte la dignité d’une personne au travail, lorsqu’une des trois conditions suivantes est remplie :

  1. Le comportement est non désiré, intempestif, abusif et blessant pour la personne qui en fait l’objet ;
  2. Le fait qu’une personne refuse ou accepte un tel comportement de la part de l’employeur, d’un travailleur, d’un client ou d’un fournisseur est utilisé explicitement ou implicitement comme base d’une décision affectant les droits de cette personne en matière de formation professionnelle, d’emploi, de maintien de l’emploi, de promotion, de salaire ou de toute autre décision relative à l’emploi ;
  3. Un tel comportement crée un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant à l’égard de la personne qui en fait l’objet.
    Le comportement visé peut être physique, verbal ou non-verbal.
    L’élément intentionnel du comportement est présumé. »
    L’article L.245-4 du Code du travail fixe les obligations de l’employeur en matière de lutte contre le harcèlement sexuel comme suit :
    « « (1) L’employeur et le travailleur doivent s’abstenir de tout fait de harcèlement sexuel à l’occasion des relations de travail, de même que tout client ou fournisseur de l’entreprise.
    (2) Par ailleurs, l’employeur est obligé de veiller à ce que tout harcèlement sexuel dont il a connaissance cesse immédiatement. En aucun cas, les mesures destinées à mettre fin au harcèlement sexuel ne peuvent être prises au détriment de la victime du harcèlement sexuel.
    (3) L’employeur est encore tenu de prendre toutes les mesures de prévention nécessaires pour assurer la protection de la dignité de toute personne à l’occasion des relations de travail. Ces mesures doivent comprendre des mesures d’information ».
    L’employeur doit donc veiller à ce que tout harcèlement dont il a connaissance, cesse immédiatement en prenant des mesures adéquates à l’égard de la personne qui en est l’auteur. Le harcèlement sexuel à l’occasion des relations de travail constituant une faute au sens de la législation du travail, ces mesures peuvent aller jusqu’au licenciement de la personne dont le comportement est intolérable, outrageant et offensif. L’auteur d’un harcèlement sexuel peut aussi se voir infliger d’autres sanctions, comme une mutation, un avertissement ou toute autre mesure destinée à l’éloigner de la victime.
    Il appartient à l’employeur de choisir celle des sanctions qui lui paraît la plus adéquate pour faire immédiatement cesser ledit comportement, sauf à respecter l’article L.245-4 (2) dernière phrase qui lui interdit de prendre des mesures au détriment de la victime du harcèlement sexuel. Il appartient aux juridictions du travail, pour le cas où l’employeur a décidé de licencier le salarié fautif qui querelle la sanction d’abusive, de rechercher si cette dernière était justifiée et, en l’espèce, si le comportement du salarié constituait un motif grave rendant immédiatement et définitivement impossible le maintien des relations de travail, le juge devant, au regard de l’article L.124-10 (2) deuxième alinéa du Code du travail, tenir compte dans l’appréciation de la faute du degré d’instruction, des antécédents professionnels, de la situation sociale et de tous les éléments pouvant influer sur la responsabilité du salarié et des conséquences du licenciement (Cour d’appel 12 novembre 2009, n°34066).

    La Cour, à l’instar de la juridiction de première instance, constate que l’employeur, mis à part les faits constitutifs d’un harcèlement sexuel, n’a pas d’autres reproches à formuler à l’encontre de A.). La Cour ne dispose d’aucun élément d’appréciation quant à la personne de A.), notamment quant au degré d’instruction ou aux antécédents professionnels de ce dernier, sauf qu’il ne disposait auprès de SOC.1.) que d’une ancienneté de dix-huit mois.
    Cependant, la Cour ne saurait suivre le raisonnement de la juridiction de première instance consistant à qualifier le dialogue imaginé et rédigé, puis affiché à la vue non seulement des salariés de l’entreprise, mais encore de tous les fournisseurs et clients de l’entreprise, d’inadéquat, d’inapproprié et d’immature, mais dépourvu de la gravité suffisante à justifier un licenciement avec effet immédiat.
    La Cour retient que le comportement incriminé est de façon générale hautement attentatoire à la dignité de toute personne et spécifiquement à la dignité de la victime, laquelle se trouvait au moment des faits à trois mois de sa retraite et dont il est établi en cause qu’elle a été en incapacité de travail consécutivement à l’affichage des propos indignes, celle-ci disposant par ailleurs auprès de SOC.1.) d’une ancienneté de 18 ans. Indépendamment du degré d’instruction de A.), celui-ci devait savoir que les propos imaginés et relatés audit « script » ne constituaient pas une simple blague de mauvais goût, visant de manière fort déplacée à « amuser » les lecteurs, mais un véritable comportement offensant et blessant, portant atteinte à la dignité de la victime visée par leur caractère dégradant et humiliant.
    L’employeur a l’obligation de prendre toutes mesures aptes à faire cesser immédiatement ce comportement d’harcèlement sexuel. Face aux propos incriminés, lesquels sont, d’après les attestations testimoniales versées en cause dont il résulte que les témoins T.1.) et T.2.) ont vu et entendu les trois salariés A.), B.) et C.), discuter au sujet d’un scénario à dresser en vue d’un film pornographique, le fruit d’une discussion approfondie et réfléchie et ne sont nullement issus d’une impulsion irréfléchie, les propos ayant créé une situation intenable pour la victime qui s’est éloignée de suites, dès qu’elle avait perçu l’affiche, de son lieu de travail, et fortement embarrassante pour la direction de l’entreprise en raison de la visibilité de l’affiche aux yeux des clients et fournisseurs, la sanction du renvoi immédiat est proportionnée à la gravité des faits reprochés.
    Dans ces conditions, le maintien de la relation de travail, sans dommage pour l’entreprise, a été rendue impossible en raison du sans-gêne du salarié n’ayant pas hésité à élaborer et à divulguer au grand public des obscénités grossières à l’égard d’une collègue de travail.

    En conséquence et par réformation du jugement entrepris, la Cour retient que le licenciement avec effet immédiat prononcé à l’égard de A.) par courrier du 18 novembre 2019 de SOC.1.) est justifié et partant régulier. (C.S.J., 10.03.2022, numéro CAL-2021-00108 du rôle).